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Annie Jacquet : « J’avais l’impression de ne plus voir les mêmes élèves ! » 

Enseignante de français au collège Camille-Claudel de Marignier (Haute-Savoie), Annie Jacquet a été à l’origine d’une résidence journalistique au sein de son établissement. Aidée par sa collègue documentaliste Delphine Raverdy et le journaliste Fabio Lo Verso, elle a accompagné deux classes sur un projet d’Éducation aux médias et à l’information. Une première dont elle ne savait pas quoi espérer, mais qui a largement dépassé ses attentes.

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Pour prendre la suite de la résidence journalistique, Annie Jacquet travaille

actuellement sur un projet de web radio.

Crédit Calvin Leclere / Emispheres

« Si on me propose de continuer le projet, c’est simple : je signe directement ! » Au moment de dresser le bilan des actions d’Éducation aux médias et à l’information (EMI) mises en place sous sa tutelle, Annie Jacquet ne cache pas son enthousiasme.  Cette année, la professeure de français de 62 ans et sa collègue documentaliste Delphine Raverdy ont décidé d’organiser une résidence journalistique dans le collège Camille Claudel de Marignier. « Cela me paraissait important d’éduquer les jeunes pour qu’ils apprennent à prendre du recul sur ce qu’ils voient sur internet, raconte-t-elle. Les images et les fake news, ils y sont confrontés tout le temps. » Pour développer cette résidence, l’établissement a profité du financement du projet « Parcours civique et professionnel en montagne » (PCPEM).

 

Le principe : deux classes disposaient d’une semaine chacune pour préparer un projet concret. Encadrés par le journaliste Fabio Lo Verso, membre du collectif We Report, les élèves de quatrième ont ainsi réalisé un journal télévisé pour déconstruire des fake news. Quant à ceux de troisième, ils ont tenté de comprendre pourquoi on avait eu l’idée de construire des monuments aux morts. Pour Annie Jacquet, ce temps alloué à l’EMI, même s’il a bouleversé les emplois du temps, a été salutaire : « Ce format était bénéfique pour eux, parce qu’ils ont vraiment pu baigner dans ce projet. »

 

« Les effets ont été pratiquement immédiats »

 

Quand se pose la question des résultats, l’enseignante n’y va pas par quatre chemins, et avec un grand sourire, déclare : « Ça a été assez magique. Normalement, en tant que professeure, on plante des petites graines dans l’esprit de nos élèves et on espère qu’elles germeront un jour. Mais là, les effets ont été pratiquement immédiats. » Dans un premier temps, les jeunes ont eu une phase d’apprentissage technique, durant laquelle ils ont appris à maîtriser un microphone, une caméra ou encore un logiciel de montage. Mais d’après Annie Jacquet, les élèves ont également gagné en savoir-vivre : « Ils ont compris que quand un micro enregistre, ils ne doivent faire aucun bruit. Maintenant, même en-dehors de ce cadre, ils sont capables de faire le silence quand un camarade parle. Ils s’écoutent plus. »

 

Autre effet notable d’après ses observations, un gain immense de confiance en soi pour les élèves : « Tout le monde devait parler devant le micro, peu importe qu’ils soient timides ou qu’il faille s’y reprendre à dix fois. Tous les jeunes ont compris qu’ils étaient capables d’y arriver pourvu qu’ils soient tenaces. » Les élèves de troisième sont même allés jusqu’à interroger les maires des villages alentours. Une épreuve qui leur a apporté de l’assurance et de la maturité : « Ces deux semaines ont complètement changé leur attitude, décrit Annie Jacquet. En quinze jours, j’avais l’impression de ne plus voir les mêmes élèves ! »

 

Lorsqu’elle relate l’expérience de collégiens en classe ULIS (Unités localisées d’inclusion scolaire) qui ont participé au projet, sa voix se teinte d’émotion. Comme les autres, ils ont dû réciter leur texte au micro devant tout le monde. Mais leur progression a été telle qu’à la suite de l’expérience, l’une des deux a même pu intégrer la classe de français d’Annie Jacquet. « On n’ose pas assez intégrer les élèves avec un handicap dans ce genre de projets, déclare l’enseignante. Si on leur donne l’opportunité, ce sera plus long qu’avec les autres, mais ils feront des efforts et trouveront leur place. » Elle se remémore en riant la visite des locaux de TV8 Mont-Blanc, durant laquelle l’une de ces élèves, persuadée que personne ne la regardait, s’est amusée à simuler une interview sur le plateau avec une camarade.

 

Un travail d’équipe

 

Si dans ce collège, le projet a aussi bien fonctionné, Annie Jacquet l’explique par la collaboration entre les enseignants (dont la documentaliste) et le journaliste, Fabio Lo Verso. « On faisait une sacrée équipe, s’exclame-t-elle. Le professionnel, c’était Fabio. Comme il n’est pas professeur, il a eu des échanges différents de ceux que je peux avoir avec les élèves. Mais d’un autre côté, il avait besoin de moi pour les cadrer. » Ainsi, quand le journaliste demande à la classe sa manière de s’informer, l’enseignante n’hésite pas à se mettre en retrait pour aider la parole à se libérer. « Fabio n’a jamais eu un regard de censeur. Il n’était pas là pour leur dire si ce qu’ils faisaient était bien ou pas. Ce qu’il leur a dit, c’est qu’ils étaient libres d’aller sur n’importe quelle plateforme, mais qu’ils devaient toujours réfléchir et être vigilants. »

 

 Au collège Camille-Claudel, la résidence de journaliste n’aura duré qu’un an. Mais pour continuer à faire vivre l’Éducation aux médias et à l’information au sein de l’établissement, Annie Jacquet et sa collègue documentaliste Delphine Raverdy prévoient de mettre en place une web radio. « À la fin des ateliers, un élève est venu me voir et m’a dit : "en vrai, madame, la classe n’est plus comme avant." C’est quand même énorme. » L’enseignante ne pense pas que cette expérience ait réellement modifié la manière de s’informer des collégiens. Mais elle est persuadée d’une chose : tout ce que ce projet a apporté aux élèves, ils ne l’oublieront jamais.

 

MARTIN BAUDRY

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